De Prague à Strasbourg : L’Oberbayern partie 5

Séquence effroi et émotion Préparez pop corn et mouchoires, ça va être long

Lorsque je repense à tout ça, je ne peux m’empêcher de frémir en songeant à l’accumulation de micros événements qu’il a fallu pour en arriver à ce résultat… Une seule chose n’aurait pas suffi, mais l’addition y est parvenue.
Ce matin-là, après une nuit paisible malgré un orage et une pâture couverte de bouses de vache, deux faits que nous ne remarquons plus. Tout juste se borne-t-on à tenter de ne pas dresser la tente sur l’un de ces popos en forme d’omelette Norvégienne.
Ce matin-là, donc nous voici invités à partager le petit déjeuner de nos charmants hôtes d’une nuit, petit dej’ qui n’a de petit que le terme. Mais bref il est tard pour nous, et quasiment l’heure de partir cependant afin de ne pas les décevoir nous acceptons, ce qui constituera notre première erreur.
Le repas, excellent et d’épatante compagnie (le papi, géant rigolard nous fera une démonstration d’un sport Bavarois : le lever au bout d’un seul bras d’un poids de 11 kg Enormissime) Enfin il est 10 heures et nous nous décidons à lever le camp. Le temps est maussade, il nous menace même d’un ciel lourd et sombre avant de s’éclaircir puisque tout compte fait ces menaces ne nous ont même pas fait frémir.
Nous avançons tout de même très bien, et cet après-midi-là nous traversons la petite bourgade de Geretsried que nous mettrons un temps infini à traverser, tant elle est étendue en lotissements et zones diverses. Heureusement nous sommes un dimanche et il n’y a presque personne en ville, et pour cause ils sont tous partis se baigner au petit lac de Bibisee (le lac de Bibi !) , là où nous même voudrions bien faire plouf plouf aussi.
Pas de chance, nous tombons pile sur le retour de ces vacanciers d’un jour qui envahissent la piste cyclable et il est bien difficile d’y mouvoir nos 5 Gros sans écraser qui que ce soit, surtout que les gens, inconscients, ne semblent pas réaliser le danger et restent stupidement à nous regarder au beau milieu du chemin.
Bref nous parvenons à sortir de là sans avoir trop piétinés d’allemands et avançons gaillardement vers le camping (Campingplatz Königsdorf) que nous avons repéré sur la carte. Hélas il affiche complet et ne pourra pas nous accueillir. Quel dommage, surtout que le temps se couvre de plus en plus sérieusement, annonçant un évènement orageux imminent et sérieux.
Contraints d’avancer car le coin est bondé, voitures, cyclistes, piétons tout ça forme une masse compacte que nous laissons derrière nous avec soulagement, pour un chouette chemin forestier.
Puis, soudain sans prévenir tel un robinet que l’on ouvre brusquement, la pluie tombe, drue, violente, accompagnée de vents qui font grincer sinistrement les sapins qui se plient et ploient sous les bourrasques. Heureusement question pluie, nous avons une certaine expérience, nous ne sommes pas pris au dépourvu puisque la bâche de bât protège déjà hermétiquement celui-ci, et nous avons enfilé nos ponchos qui tout à coup se gonflent et claquent dans le vent, tels des voiles lors d’une régate.
Les chevaux baissent la tête et font front, nous les encourageons à avancer : à la sortie de la forêt se trouve une ferme où nous pourrions sans doute nous abriter. Mais déjà il faut y parvenir ce qui est loin d’être évident, battus par les pluies torrentielles et les vents de tempête qui seront bien pire lorsque nous sortons de la forêt. En terrain découvert les vents sont tels que les chevaux, surpris, manquent se renverser, mais opiniâtres ils résistent et avançant en crabe, ils continuent à avancer. Au loin, là-bas nous devinons la silhouette plus sombre d’une habitation. Ragaillardie j’encourage mon Pégous lui promettant un endroit où s’abriter de la folie des éléments. Nous traversons une vaste cour et nous nous réfugions sous le vaste débord du toit de la grange que j’étais certaine de trouver : toutes les fermes en ont un ici !
Tremblants nous mettons pied à terre, les chevaux blottis les uns contre les autres regardent la pluie déborder des gouttières avec de gros yeux pleins de reproches : mais qu’est-ce que c’est que ce pays ?
Patrice part à la recherche de quelqu’un afin de demander s’il serait possible de passer la nuit ici. C’est l’heure de la traite et là où nous venons d’échouer, rabattus par la tempête, les gens ne semblent pas sensibilisés au sort de naufragés… Il accepterons néanmoins que nous restions (de toute façon il aurait été impossible de nous faire bouger ) et lorsque l’orage s’éloigne, Patrice et Toto partent installer un paddock, certes pas trop grand car tout d’même l’herbe en Bavière c’est pas pour rien, où les Gros pourront se détendre. Avec Vincent nous dessellons, nous avions déjà déposé tous les bagages, puisque cela fait plus d’une heure que nous sommes là, réfugiés sous la bordure du toit, dans il faut bien le dire l’indifférence générale.
Je suis assez étonnée car les allemands ne nous ont pas accoutumés à ce genre d’accueil, et tout soudain je me demande si Albert n’avait pas quand même un peu raison …
Bref les chevaux sont mis en pâture alors que le ciel s’égoutte et Patrice demande s’il n’y aurait pas un endroit où nous pourrions faire sécher nos affaires. Le paysan dit que non et lorsqu’on connait la taille des fermes et des maisons allemandes, ça laisse un peu pantois. Puis peut-être un peu honteux il nous propose toutefois le garage des tracteurs. Je suis mécontente et je préférerais dormir sous notre tente, mais Patrice et les garçons, fatigués, disent qu’étant donné que tout est mouillé y compris notre tente (trempée par la pluie de la nuit précédente) ce sera pénible, aussi …autant dormir là.
Enième erreur : je n’insiste pas et nous étendons nos ponchos sur le matériel agricole qui somme toute, fait un bon séchoir. Grace à notre matos nous ne sommes pas mouillés et seul les vet bed ont un peu pris la pluie et encore pas tant que ça. Finalement c’est un bon test : notre matériel supporte les pluies diluviennes !
Il est tard et c’est à la lampe frontale que nous grignotons notre riz, puis dodo.
Il est 6 heures lorsque nous nous étirons et émergeons de notre sommeil en compagnie des tracteurs qui ont été fort sages toute la nuit. Finalement leur compagnie n’était pas si affreuse ! Au même moment le paysan toque à la porte et nous dit que nos chevaux se sont échappés… What !?
Patrice et Vincent se précipitent, tandis qu’avec Toto nous commençons à hâtivement tout ranger. Je ne suis pas plus inquiète que ça, je me dis qu’ils ont dû passer la clôture pour une raison idiote genre… Brouter plus loin, et qu’on va les attraper immédiatement. Hélas au bout de quelques minutes Vincent vient me chercher, affolé, les chevaux sont devenus dingues ils galopent dans toute la campagne et sont inapprochables !
Je bondis, en croc (verte à fleures top moumoute !) pour les voir se précipiter comme des bombes vers la forêt, Patrice leur courant après et nous avec Vincent bin à leur suite comme un épisode pas très drôle de Benny Hill. Et on court, on court je sais bien qu’on est une année Olympique mais tout d’même. Finalement on perd leurs traces à l’orée d’un marécage, plus rien, plus de chevaux je suis atterrée et ne réalise pas bien ce qui ce passe : mes chevaux font ça de se transformer en mustangs ? Est-ce vraiment possible ?
Patrice repart vers la ferme afin de téléphoner à la police tandis qu’avec Vincent nous tendons de faire resurgir le trappeur qui vit en nous. Peine perdu, le cœur lourd nous retournons aussi à la ferme afin d’y trouver Toto en train de démonter le paddock et nulle trace de Patrice. Ah bin v’la que lui aussi a disparu elle est bien bonne !
Nous sommes désemparés toutefois nous plions et rangeons toutes nos affaires lorsque la fermière déboule avec sa voiture et nous dit qu’on a retrouvé les chevaux ! Yesss ! Elle nous embarque tous trois dans sa voiture et nous emmène à quelques kilomètres dans la cour d’une ferme le long de la nationale. Là pas de chevaux ni de Patrice. Mais qu’est ce qui ce passe encore ! La propriétaire des lieux me lance un sibyllins « pferde » tout en faisant signe que les chevaux sont partis. Mon cœur se décroche car je comprends qu’à nouveau ils sont perdus. Avec les garçons nous nous mettons à courir remontant la piste bien visible sur les chemins forestiers. La première fermière ne cherche pas plus à nous expliquer quoi que ce soit et nous laisse là, à stupidement courir, l’angoisse au bord des lèvres…
Avec les garçons nous remontons les traces qui repartent vers la ferme et plus de 4 kms plus loin nous parvenons à la ferme, le cœur chaviré : nos chevaux y seront-ils ? Seraient-ils retournés là-bas ? Est-ce possible ? Et puis tout soudain nous apercevons la grosse tête de Lucky qui dépasse d’un muret, quelle bonheur ! Quel soulagement ! Patrice est là aussi et tous se porte comme un charme. C’est à peine croyable…
Finalement Patrice nous explique que la police lui a dit qu’ils avaient nos chevaux, ceux-ci rentraient en fait tranquillement chez eux en refaisant le chemin de la veille. La fermière a alors emmené Patrice sur place puis Patrice lui a demandé simplement de me dire qu’on avait retrouvé les chevaux et qu’il les ramenait, absolument pas de m’emmener et encore moins de m’expliquer quoique ce soit !
Enfin tout est bien qui finit bien, quoique je ne comprenne pas ce qui s’est passé… comment se fait-il que nos bons gros pépères, accoutumés à dormir dehors aient pu avoir une telle réaction ? C’est presque incompréhensible lorsqu’en discutant avec le fermier, nous finissons pas saisir qu’il est entré dans le paddock et d’une façon ou d’une autre, il leur a fait peur. Certainement pas de manière délibéré mais s’il les a abordés comme il le fait avec ses vaches pas étonnant que nos Gros aient pris leurs jambes à leurs cous !
Nous partons le plus vite possible de ce lieu, les chevaux sont calmes tout heureux et visiblement soulagés de nous retrouver. Après cette épopée matinale, j’ai les jambes qui flajolent, de la course et du contre coup de la frayeur, toutefois une chose est certaine : plus jamais à moins d’avoir accès à un paddock sécurisé, je ne laisserai mes pépères seuls la nuit. Trop dangereux avec ces paysans qui rôdent !
Et puis comme nous sommes tous HS, chevaux compris nous décidons de ne pas plus nous agacer que ça, après tout ne sommes-nous pas en vacances ? Un coup de fil à l’oncle de Patrice (sa famille vit à côté de Ravensburg) et nous organisons un transport de toute la family là-bas, où nous pourrons nous reposer quelques jours et nous remettre de nos émotions, voire même organiser le ferrage des Gros qui ont bien usé leurs godasses.
C’est vers 18 heures que nous débarquons d’un grand camion 9 places (il nous fallait au moins ça !) accueillis par toute la famille de Patrice. Que de retrouvailles ! Un beau paddock a été monté dans une belle prairie plantée de pommiers et nous dressons notre tente, car pas question, ô non, de laisser les Gros. Plus jamais ! D’ailleurs Bibi reste là, à surveiller attentivement l’opération, lui non plus ne semble pas prêt à dormir tout seul, pauvre chou…
La tente est montée, les chevaux tranquillisés et sous la garde du voisin, quant à nous nous sommes emmenés pour une délicieuse douche, puis un non moins merveilleux repas dans une Gasthaus, celle-là même où sont servis les meilleurs Schnitzel du monde.
Ouf. Décidément dans les histoires je n’apprécie que celles avec happy end…